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Maj le 13/10/2022

Adeline, élève de 1ère L Pourquoi un auteur, en 2015, irait-il donc écrire sur Héraclès ? Un tel mythe ?


«Je suis en classe de première et je travaille sur votre livre L'ÉPOPÉE D'HÉRACLÈS, j'aimerais savoir pourquoi avez vous écrit ce livre? Quel à été votre but? Merci d'avance. Adeline.»


Tel est le mot qui m’est arrivé par mon site.

Intrigué qu’une élève de 1ère travaille sur un de mes livres (ce n’est pas encore l’habitude des lycées !), j’ai réclamé des précisions :  «Réfléchis-y et pense à toi. Par exemple, pour t'aider, j'ai envie de te répondre : Et toi, Adeline, pourquoi l'as-tu choisi


Et sa réponse est arrivée, immédiate, enthousiaste. Adeline avait choisi mon livre pour son épreuve de TPE du bac (TPE : Travaux Personnels Encadrés).

«Nos professeurs se sont demandé pourquoi un auteur en 2015 irait écrire sur Héraclès, un tel mythe, et je n'ai pas su réellement répondre à cette question et même en fouillant, je n'ai pas trouvé de réponse... C’est donc pour cela que je viens vers vous. Pour moi, dites-moi si je me trompe, vous avez écrit ce livre déjà par plaisir et peut-être par passion ? Puis, pour la visée, étant donné qu'il est accessible en livre jeunesse, c'est peut-être pour que les enfants se voient dedans, se reflètent et s'imaginent en petit héros lors d'une lecture pour s'évader ? Peut-être que je me trompe, peut-être que j'oublie d'autres choses ?»


Je ne pouvais pas ne pas réagir.

«Non, tu ne te trompes pas, ai-je répondu notamment, j'ai bien écrit ce livre par passion, une passion qui me tient en haleine depuis 2001, quand j'ai commencé à vouloir récrire ce mythe, essentiel pour tout ce qu'il nous révèle de nous-mêmes, et de notre société. Par plaisir ? Je n'aime pas trop ce mot qui laisse entendre que c'est formidâââââââble d'écrire et qu'on prend son pied à chaque instant. Non, le plaisir d'écrire arrive quand le travail, toujours long et ingrat, est achevé. Alors, je ne suis pas content d'écrire, mais plutôt... d'avoir écrit.»


Nous avons continué encore un peu, sur le mode tac au tac. C’était épatant. Adeline se révélait toujours plus curieuse, désireuse de savoir, enjouée et polie. Polie ! La politesse se fait de plus en rare.

Tout ce qu’elle me révélait d’elle m’a donné une furieuse envie de l’aider.

Chère Adeline,


Héraclès a commencé à m'attirer en 2001 (tu devais avoir un an ou deux). J'avais publié quelques temps auparavant  la réécriture d'un autre grand mythe, plus ancien qu'Héraclès, celui de Gilgamesh, et je cherchais un autre géant. C'est ainsi que je suis tombé sur Héraclès. Première rencontre, coup de foudre. J'ai été littéralement saisi. Pourquoi ? Parce que j'avais l'impression que son histoire parlait de moi, de mes aspirations, et que le parcours qu'il avait effectué résonnait en moi comme une incitation à lui ressembler.

Alors quoi ? Je suis un grand costaud, musclé, comme lui ? Bien sûr que non. Les muscles, et la puissance physique sont des métaphores de la force mentale et spirituelle du personnage. Spirituelle, de " esprit " ! Voyons cela de plus près.

Héraclès, nous dit le mythe, est le fils de Zeus, principal dieu des grecs, et d'une mortelle. L'un vit sur l'Olympe, c'est-à-dire sur des hauteurs inaccessibles. On a pris l'habitude de dire le Ciel ; l'autre sur la terre, en bas !

Qu'est-ce que la terre ?

Le lieu de la réalité, du concret, des expériences vécues. La terre est dure, collante et alourdit nos pas. Elle nous oblige à lutter pour nous dégager de son emprise. Les expériences que l'on traverse ne sont pas toujours faciles à comprendre, à accepter, à assumer. Cela se fait lentement et s'appelle l'évolution ; du latin volvere : faire rouler et ex : hors de. L'évolution est donc un long roulement qui nous conduit hors de… quoi ? De nous-mêmes bien-sûr, de nos habitudes d'agir et de penser. L'évolution est une transformation permanente, une sacrée aventure !


Marrant non, comme les langues anciennes (latin et grec) nous aident à comprendre les  mots d'aujourd'hui ? C'est un trésor de sens, ces vieux langages qui nous ont façonnés. Malheureusement, aujourd'hui, on parle de réformer l'orthographe sous prétexte de simplification et de facilité. Le malheur, c'est qu'ainsi on efface les traces qui nous font remonter à la formation des mots et à leur sens. Bientôt, on ne saura plus ce que les mots, en profondeur, signifient. Et ça, c'est un sale coup !

 

Ce qui vaut également pour Héraclès, Gilgamesh, les grands héros et les grands mythes ! Tous nous aident à comprendre le sens de notre vie contemporaine et nous alertent.

Tu vas comprendre comment !

Qu'est-ce que le ciel ?

Le Ciel est le domaine des dieux. Mais qu'est-ce que les dieux ? Pour faire simple, disons que ce sont des idées, des principes que chacun est libre d'aménager comme il veut. Idées et principes sont du domaine de l'immatériel, tout le contraire de la terre. Donc le ciel est le lieu de la facilité, de la légèreté, exempt des soucis quotidiens, des drames, des conflits… Un vrai paradis !


Héraclès possède donc, de par ses deux parents, un pôle céleste et un pôle terrestre. À quoi cela lui sert-il ? À provoquer une étincelle, évidemment, comme une pile avec ses bornes positive et négative fabrique de la lumière !

Héraclès porte dans ses gênes, de par son ascendance, un poids terrestre et une aspiration à s'élever vers les sommets, ceux de l'esprit, de la pensée, du cœur, et le mien, devant cette découverte, s'est mis à battre un peu plus vite.


- Les hommes en général, et moi en particulier, me suis-je demandé, seraient-ils dotés, eux aussi, de pareille ascendance, semblable à un lot commun, et que chacun aurait pour tâche de faire évoluer ?  Zeus donne mission à son fils de franchir des obstacles terrestres pour arriver à atteindre le ciel. Avons-nous, nous aussi, une mission à accomplir pendant notre vie terrestre ? Une mission d'évolution qui se dissimulerait dans les obstacles que nous rencontrons dans la vie ?


Grosses questions que me posait la découverte d'Héraclès et qui me faisaient frissonner !

Sommes-nous égaux ?

Bien sûr que non. L'évolution n'est pas la même pour tous, n'est-ce pas ?  Attention, je laisse de côté les  différences d'ordre matériel, riches, pauvres, etc. On est ici dans le registre des pensées, des conceptions, du langage, de ce que l'esprit peut concevoir. Ok ?

Regarde autour de toi, tu verras cohabiter des gens à peine sortis de l'âge de Néandertal, au tout début du langage articulé, et d'autres étincelants, pétillants, subtils, légers comme des vapeurs, des parfums.

En ce qui me concerne, je préfère être parfum élaboré que Pithécanthrope mal dégrossi ! Pas toi ? Sauf que… certains jours, malgré nos aspirations à nous élever, on reste plombés, l'esprit buté, le front bas, hargneux et méchants, au ras des pâquerettes ! Bref, l'Homo sapiens cohabite assez fréquemment avec l'Australopithèque. Le sauvage vient souvent polluer l'homme civilisé (quoique parfois, le sauvage se montre plus respectueux de la vie !), et s'élever n'est pas facile. Il faut travailler dur. D'ailleurs, Héraclès est connu pour ses fameux TRAVAUX ! Travaux de vie, d'évolution, qui doivent lui permettre de s'élever de la terre vers le ciel, de la matière vers l'esprit, de la lourdeur vers la subtilité, avec mission imposée par son paternel (qui n'avait pas envie de rigoler) d'y arriver coûte que coûte !


Je suis parti de ma découverte d'Héraclès en 2001, et mon livre, écrit en 2014, est sorti en 2015. Pourquoi un tel délai ? C'est très simple : parce que je n'ai pas été capable de l'écrire plus tôt. J'ai fait des tentatives qui se sont tous soldées par des échecs. J'ai dû attendre, écrire d'autres livres, pour me frotter à nouveau à Héraclès en 2014, et cette fois-ci, parvenir à atteindre le ciel à mon tour ! Heu, je veux dire, à écrire enfin cette histoire qui me narguait.

J'ajoute une toute petite précision. Cela semble couler de source de dire aujourd'hui que le livre est publié : " je n'étais pas capable, j'ai attendu, et j'y suis arrivé. " Ce n'est pas toujours le cas. Parfois, on a beau attendre, on n'y arrive jamais !


Plus haut, je t'ai dit que les héros et les mythes nous aidaient à mieux comprendre notre vie et nous mettaient en garde contre des risques de perversion inhérents à toute démarche de progrès. Les hommes s'engagent, pour quantités de raisons, généreuses ou détestables, dans des recherches qui peuvent se révéler dangereuses, et mettre en péril non seulement les milieux de vie, mais l'humanité toute entière, tu le sais. Il est facile d'en dresser une liste, tant les cas sont nombreux.


L'Épopée de Gilgamesh, par exemple, nous dit que l'humanité a été rayée de la surface de la terre par un  déluge d'eau !  Peut-on encore prendre cela pour une vieille lubie, quand le réchauffement climatique avec ses risques de montée du niveau des océans, nous brandit aujourd'hui cette menace sous le nez ? Et comment ne pas penser au déluge de feu, avec l'arsenal nucléaire conjugué à la folie terroriste ?

Héraclès, de son côté, par ses Travaux, nous indique non seulement les dangers (les monstres qu'il combat) que tout homme est à même de rencontrer au cours de sa vie, mais aussi une manière de les neutraliser.


Ces exemples nous sont fournis par de vieux textes qui ont traversé les millénaires pour nous informer en nous racontant des histoires, les fameux mythes, du grec mutos : discours public, récit. Ils voyagent depuis longtemps et viennent de loin. Ils ressemblent à des véhicules dont le passager est un trésor. Le véhicule, c'est l'histoire ; le passager, son sens. Malheureusement on reste tellement captivés par l'histoire et ses rebondissements (la carrosserie de la voiture, la sellerie cuir, la cylindrée du moteur, sa nervosité), qu'on en oublie le plus souvent les symboles qui sont la clé du sens (le trésor  caché  derrière les vitres fumées). D'où la nécessité de les déchiffrer pour les comprendre.

Les Travaux

Regardons cela de plus près, en nous concentrant sur quelques travaux de l’ami Héraclès.


Commençons par le premier, Le Lion de Némée. Le lion est le roi des animaux. Il est noble, il commande, est obéi. C’est un symbole d’autorité. En nous, il renvoie à tout ce qui nous donne envie de commander, d’être au premier rang, de ne pas passer inaperçu, de montrer sa force, sa puissance.

Pourquoi « en nous » ? Parce que tous les travaux effectués par Héraclès le concernent directement, et nous aussi par voie de conséquences, puisqu’il agit au nom de l’humanité. Tout au long de la découverte de ce mythe, il ne faut jamais oublier cela. Jamais oublier non plus que les valeurs des symboles ne sont pas figées, mais toujours ambivalentes. L’autorité par exemple peut être compréhensive mais aussi intransigeante, dictatoriale. Connais-tu des animaux humains qui correspondent à ces deux catégories ? Ce sont autant d’exemples qui donneront un visage à notre Lion. Mais surtout, surtout, Adeline, n’oublie pas de t’inclure dans la liste, faute de quoi la démarche d’Héraclès ne te servira à rien. Tu es concernée au premier chef. Comment ça, tu protestes ? Tu n’es pas un peu autoritaire ? Cherche bien ! Jamais de colère, jamais de frustration sourde qui ronchonne en silence, jamais de jalousie de ne pas avoir été la première, alors que tu pensais le mériter ?...


L’animal qui terrorise la région de Némée appartient évidemment à la catégorie de l’autorité mal comprise. Il dévaste, sème la mort, et c’est pour cette raison qu’il faut le neutraliser.


Comment Héraclès vient-il à bout du Lion ? En l’étouffant, en lui enlevant l’air qu’il respire. Tu connais évidemment l’expression utilisée pour les gens culottés, on dit aussi « gonflés », qui ne doutent jamais d’eux. On dit qu’ils ne manquent pas d’air ! C’est l’air, et même plutôt ses grands airs, qui donnent du gonflant au Lion, qui lui donnent envie de se redresser et de terrasser tout ce qui n’est pas lui. Donc, Héraclès il lui coupe sa source d’alimentation en l’étouffant, et à ce moment-là se produit un tournant dans le récit : en étouffant son adversaire, il s’étouffe lui-même et tombe évanoui sur le cadavre du Lion. Pourquoi ? Parce qu’il est bien lui-même ce Lion terrifiant qu’on l’a envoyé détruire, et qu’il tue l’aspect sombre, arrogant, de sa personnalité, seul moyen de conquérir la valeur lumineuse du Lion qui rayonne.

Le Lion tué, la paix revient dans la région de Némée, c’est-à-dire dans le cœur d’Héraclès !


Une précision : dans ma phrase, le mot tuer, fréquemment utilisé en psychologie, signifie éliminer un aspect négatif d’une personne, d’un acte, ou de soi-même. Tuer pour renaître différent, débarrassé de ce qui nous nuisait, et quand on a éliminé une tendance lourde de notre personnalité, c’est comme si on s’était remis à neuf. Ce genre de meurtre n’a jamais conduit personne en prison.


Autre notion que je ne t’ai pas encore donnée, celle de l’ego. Ce mot latin signifie : moi. L’ego est tout ce qui nous faire dire « moi, je », en bousculant les autres pour nous imposer. Le Lion représente cet ego souvent envahissant, orgueilleux, autoritaire.


L’épisode du Lion de Némée, chez tous les auteurs de l’Antiquité qui ne classent pas les Travaux dans le même ordre, est toujours le premier. Pour une raison évidente à mon avis. Quand tu entres dans une démarche d’individuation (un mot de psys, encore, qui signifie devenir un individu particulier), de transformation de toi-même (aujourd’hui, il existe des tas de stages de transformation personnelle), d’élévation, le tout premier adversaire que tu rencontres, c’est toi, ce fameux ego. (On dit aussi le moi.)


L’Hydre de Lerne.

Ce monstre vient obligatoirement après le Lion. En effet, si le moi se révèle odieux, il est aussi une protection contre les autres, le collectif. Rappelle-toi, les symboles sont toujours ambivalents, et de la même manière qu’il n’y a pas de qualité absolue, il n’y a pas non plus de défaut absolu. Amuse-toi à choisir des exemples, et cherche le défaut de telle qualité qui subitement devient intolérable, ou la qualité inattendue de tel prétendu défaut.

Donc, Héraclès, après avoir vaincu son moi, se trouve en danger, car il n’est plus protégé. Le collectif est représenté par le marais de Lerne. Il est pestilentiel, car il est alimenté par les énergies négatives et venimeuses, les aigreurs, rancœurs, et insatisfactions produites par toute société. Il est aussi alimenté par l’eau de lacs qui plongent jusqu’aux Enfers (p. 97), ce qui signifie qu’aux aigreurs des vivants s’ajoutent les regrets des morts, la mémoire de leurs actes avortés, des haines qui n’ont pas trouvé la paix, qui fermentent, et qui se transmettent à leurs descendants, avec un appel à la vengeance qui se perpétue parfois pendant des générations.

Tout cela pue et pollue la source septuple qui alimente le fleuve Inimitable : notre propre fleuve de vie. Bien sûr, nos vies sont uniques, et pareilles au fleuve : i-ni-mi-tables ! Comme je sens que tu as envie de me demander pourquoi la source est septuple, je te réponds sans te faire attendre que sept symbolise un cycle achevé, somme de quatre qui représente la Terre et de trois qui représente le Ciel. Tiens tiens, Terre et Ciel, encore ces deux-là, le terrain de jeu d’Héraclès ! Donc 7 est une image de l’univers. Ce qui signifie enfin que nos fleuves de vie inimitables sont directement alimentés par l’univers. Ce n’est pas rien, tu ne trouves pas ? On a quand même intérêt à les maintenir dans le meilleur état de propreté possible, ces sacrés cours d’eau !


Pour empêcher que soit pollué le fleuve, il faut donc neutraliser la source de venin, tuer l’Hydre. Mais ses têtes, une fois coupées, repoussent, ce qui montre combien il est difficile de se défaire des regrets, des conditionnements du passé, des réflexes acquis que l’on prend pour des vérités. Tous ces comportements sont des processus interminables. Les conflits rebondissent sans cesse, générant des conflits secondaires, comme le révèle la multiplication à l’infini des têtes coupées.

Pour s’en libérer, il est nécessaire de faire preuve d’indépendance, d’esprit critique, de détachement.


Héraclès n’est pas extérieur au mal de l’Hydre. Trop facile ! Il est concerné lui aussi, car il l’alimente par ses propres conditionnements, et dans cet épisode, comme dans celui du Lion, il a l’occasion d’en prendre conscience. C’est page 105, quand l’Hydre lui propose de devenir son partenaire. C’est là qu’il se rend compte du problème : il est un aspect de l’Hydre, comme il était le Lion. Et la solution lui apparaît. Pour éliminer les regrets, les haines, l’envie de se venger, le seul remède est le pardon. Celui qui pardonne se libère d’un fardeau. Sa vie s’éclaire, sa source se purifie, et son fleuve Inimitable peut rouler ses eaux dépolluées vers Argos la brillante.


Tu comprends pourquoi je te disais, au début de ce courrier, que les grands héros nous aident à comprendre le sens de notre vie contemporaine et nous alertent ?

Toutefois, il ne suffit pas de comprendre, il faut aussi passer à l’acte, en repérant en nous comment ces principes universels agissent, pour pouvoir devenir  ensuite des Héraclès, et se libérer en suivant la voie qu’il nous a indiquée.

C’est une sacrée paire de manches, crois-moi ! Car s’il est déjà très difficile de reconnaître nos propres insuffisances (plus aisé de voir celles des autres), il est encore plus difficile de les faire évoluer. Mais tu as déjà bien dû t’en rendre compte.

Les écuries d’Augias

Augias produit à outrance, sans jamais se soucier des déchets qui risquent de mettre en péril la vie elle-même. Ne sommes-nous pas aujourd’hui confrontés à la même situation, avec des déchets de toutes sortes ? On pense bien sûr aux déchets nucléaires qui ont une durée de vie effrayante. Il y a aussi tous ceux qui constituent ce qu’on appelle le Septième continent. Tu en a peut-être entendu parler. C’est une gigantesque masse de plastique qui flotte à la surface des océans. Voici un lien où tu pourras te renseigner : http://www.septiemecontinent.com/

Qui pourrait être Héraclès ?


Les Juments de Diomède

Le cheval représente les élans : du corps, des émotions, de la pensée, de nos aspirations. Ils ont toujours besoin d’être domestiqués, civilisés. Or, que fait Diomède ? Tout le contraire. Il développe leur impulsivité sauvage. De quelle manière ? En leur donnant une nourriture monstrueuse, qui viole la loi de la nature : de la chair humaine.

Diomède a vécu récemment, et n’est sans doute pas mort. Les éleveurs de bétail nourrissaient leurs bêtes avec des aliments à base de déchets de viande retraités ! Donner de la viande à des herbivores ! Cela a provoqué une dégénérescence du système nerveux des ruminants, qui a causé des dégâts considérables dans les troupeaux. Maladie de la vache folle, tu as dû en entendre parler.

Héraclès, au lieu de pousser à la sauvagerie, domestique les Juments, les éduque, et les ramène dans la logique de l’espèce.

Et nous, nos élans sauvages, comment les civilisons-nous ?


La ceinture de la reine des Amazones

Qu’est-ce qu’une ceinture ? C’est un lien. Il attache. Quand on est attaché, on n’est plus libre. Attaché à quelque chose qui nous plaît, qu’on ne peut pas quitter, qu’on traîne partout avec nous et qui finit par nous entraver, nous ralentir. Attaché à une personne.

La ceinture figure un anneau, une alliance, comme celle que les gens mariés portent à leur annulaire, symbole de leur… attachement. Cet attachement implique un échange, une obligation d’aller vers l’autre. La perte de liberté se trouve alors compensée par le bénéfice relationnel et humain apporté par l’échange. Sauf que cet échange n’est pas gagné d’avance. Il doit se construire et suppose de la confiance entre les deux parties qui cherchent à se lier. La confiance, c’est un soleil qui chasse les nuées de l’incertitude, de la méfiance.


Dans cet épisode, Héraclès livre une nouvelle bataille intérieure. Celle qui consiste à accepter d’abaisser ses défenses, et de s’ouvrir à l’autre sans arrière-pensée de conquête, sans intention de dérober, d’arracher. C’est un rude pari qui fait preuve d’un haut degré d’évolution, et qui n’est pas donné à tout le monde. Avant de s’engager pleinement, on se méfie, on craint toujours d’être trompé, n’est-ce pas ? Et dans bien des cas, il vaut mieux être prudent, réclamer des garanties. L’épreuve du héros se place au-delà, et lui demande d’avoir une confiance absolue, au risque de perdre la vie.


Les Amazones sont des guerrières impulsives, farouches. Elles savaient qu’Héraclès viendrait réclamer la ceinture de leur reine, emblème de leur indépendance. En décidant de la lui offrir spontanément, elles se montraient prêtes à passer à une nouvelle étape de leur évolution.

Mais Héraclès n’en est pas encore à ce stade. Au moment d’accepter le don gratuit de la reine Hippolyté, il se méfie. La peur l’emporte, et l’agressivité. Résultat, ce sont les armes qui parlent. Lui et ses compagnons tuent.


Même si Héraclès rapporte le trophée à Eurysthée qui lui a ordonné cette mission, en réalité, il a échoué. Cette expédition lui révèle un aspect de son état intérieur qu’il ne maîtrise pas encore.


Les prises de conscience se font parfois par l’échec et la douleur.


Voilà, Adeline, quelques unes des raisons qui t’expliqueront pourquoi j’ai été attiré par le mythe d’Héraclès, et pourquoi, une fois engagé dans ce travail, je n’ai eu de cesse de le mener à son terme, tant les symboles que j’y découvrais me prouvaient que cette vieille histoire était un véritable manuel de vie, pour aujourd’hui.


Je vais m’en tenir là, car tu as amplement matière à réfléchir avec les amies de ton groupe de TPE, avec tes professeurs aussi, avec qui vous irez encore plus loin dans votre découverte de ce grand héros.


Bien cordialement à toi.

Jacques Cassabois

Le 3 mars 2016