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Maj le 06/12/2023

Les enfants de Germigny-l’Évêque

le 6 mai 1998


Cher Jacques,


Merci pour cette superbe suite qui cadre remarquablement avec ce que les enfants avaient espéré. Je suis toujours surprise (très agréablement, rassure toi), par la faculté d'adaptation dont ils font preuve. Toi et eux fonctionnez sur le même schéma : ils se sont imprégnés de tes ouvrages et avec l'écriture, ont assimilé et sont devenus capables de concevoir des tournures de pensée et même de style (ou presque) qui leur étaient totalement hermétiques en début d'année.


A présent, lorsque je leur conseille de se passer le film de l'histoire ou de "rentrer dans l'histoire" à la manière de Marie Poppins et des enfants qui entrent dans le tableau pour le vivre, ils comprennent. Merci ! Ils rédigent tous avec plus de facilité et dans la petite auto évaluation de leurs progrès ou difficultés que je leur ai demandé de faire, tous mentionnent leur aisance à trouver des idées, à se mettre maintenant à la place des personnages ou à commencer une histoire ; certains sont tout contents aussi de pouvoir faire de « belles phrases longues » ou des phrases « riches ». Un élève en difficulté écrit même qu'il a plus de facilités à  lire « mes je lit toujoure pas tro bin » (pour lui c'est un énorme progrès et j'en suis toute attendrie).


Quant aux difficultés qu'ils ont conscience d'avoir, elles concernent surtout l'emploi d'expressions de sens figuré et les « connaissances nécessaires à la maîtrise de la langue » qui  notamment relèvent de la conjugaison : nous avons encore un peu de travail !


Pour évaluer leurs progrès effectifs et vérifier la « vision qu'ils avaient de leur performances », je leur ai demandé d'imaginer le retour du Petit Prince (ouvrage étudié en lecture suivie) sur sa planète. Les résultats ont dépassé mon attente, il faudra que tu lises cela (peut-être que Georges t'en parlera) : si l'expression est parfois maladroite, on retrouve dans tous les textes, la profondeur des sentiments et des idées développés dans l'ouvrage de Saint Exupéry.


Tout cela pour te dire que beaucoup de chemin a été parcouru grâce à toi et à ce projet depuis le début de l'année.


Amitiés,

Fabienne




le 25 mai 1998, 11h09


Cher Jacques,


C'est toujours un peu triste de parler de fin pour une histoire, même si elle se termine bien. Comme je te l'avais annoncé dans un précédent courrier, les enfants ont choisi de proposer plusieurs conclusions selon l'humeur des lecteurs : je t'adresse donc les trois textes ainsi que des propositions de titres.


Les enfants sont à la fois heureux, fiers du résultat et un peu désemparés (ils m'ont demandé ce qu'on allait faire maintenant !). Alors, pour continuer le rêve, ils peaufinent les illustrations (c'est très touchant).


Mais, je leur laisse la parole...


(Comme le nouveau modem de l'école se fait toujours désirer, j'envoie leurs messages de chez moi).


Amitiés,


Fabienne



Cher Jacques,


Salut, c'est nous les Germignons, ça nous a plu d'écrire une histoire avec toi. L'histoire nous a appris beaucoup de choses, maintenant ça va un petit peu mieux en vocabulaire, en conjugaison et en expression écrite.


L'amitié nous a beaucoup appris aussi.


Au revoir Jacques,


Julien et Jérémy




Nous avons bien aimé l'histoire qu'on a écrite ensemble. Nous aimerions que tu viennes à l'école la mardi 16 Juin à 19 h , comme ça on te verra et on pourra parler de notre livre.


A bientôt,


Maxime, Nicolas, Clément





Depuis qu'on a écrit l'histoire Cécilia et moi, nous dévorons les livres. Écrire avec toi nous a appris à nous exprimer plus clairement, nous avons plus de facilités en français. Nous espérons te voir le 16 Juin, car nous ferons une petite fête pour présenter le livre et notre site internet aux parents.


Au revoir et merci pour tous les conseils que tu nous a donnés.


Gros bisous,


Jessica et Cécilia





Nous avons terminé l'histoire et grâce à toi nous avons beaucoup appris. L'histoire est superbe. Nous aimerions bien que tu viennes le mardi 16 Juin à 19 h à l'école voir le site . Nous avons aussi une petite surprise pour toi !


Merci de nous avoir aidés, gros bisous,


Solène, Margaux, Audrey





Nous vous envoyons les fins de notre histoire. Grâce à vous, j'écris beaucoup mieux et j'ai plus de vocabulaire. Avant que vous n'arriviez, j'écrivais déjà des livres sur le cahier de brouillon, c'était pas mal ; mais grâce à toi j'ai pu progresser. Ce fut un plaisir de travailler avec vous ; bref, l'histoire est géniale.


Pour fêter cet événement nous t'invitons le mardi  16 Juin à 19H dans notre classe.


Sois là au rendez vous ! nos parents y seront aussi.


Lola





Nous vous invitons le mardi 16 Juin à 19 h à l'école. J'ai eu beaucoup de plaisir à écrire, cela m'a plu. L'histoire se termine bien, enfin ça dépend de la fin qu'on choisit.


Grosse bise,


Cindy




Nous écrivons pour te dire que l'histoire que nous avons faite est assez réussie. Nous avons voté pour choisir les trois meilleures fins, c'était difficile. Nous avons eu de bonnes notes en expression écrite et nous te remercions de nous avoir conseillés pour que l'on s'améliore.


Gros bisous,


Marina et Céline





Notre histoire est terminée. Ce fut un plaisir de l'avoir écrite avec vous. Nous vous invitons le mardi 16 Juin à 19 h à une soirée Internet.


Grosses bises, au mardi 16


Sandra et Jérémy



C'est la première fois que nous écrivons une histoire avec un écrivain : c'était superbe, magnifique, joyeux...!


Grâce à vous nous avons beaucoup progressé en expression écrite. nous avons bien aimé le dernier chapitre que vous avez écrit. Quand nous avons commencé à écrire l'histoire avec vous, nous nous sommes beaucoup creusé la tête, c'était presque aussi palpitant que les aventures de Cui et Cru. Quelques fois nous avons eu des pannes, mais comme notre moulin ne manque pas d'eau, nous avons réussi à remonter le courant.


A bientôt, gros bisous !!


Morgane, Amandine et Fanny


PS : nous espérons que vous pourrez venir le mardi 16 Juin à 19 h à l'école !




Comme tu as pu le constater, les enfants t'invitent à la petite soirée "portes ouvertes" que nous organiserons le mardi 16 Juin à 19h. Georges sera présent : il se propose de te conduire si tu le désires. Ça nous ferait très plaisir que tu viennes.


Je te téléphonerai lundi pour confirmation.


Fabienne




Le 25 mai 98


Chers Julien et Jérémy, Chers Maxime, Nicolas et Clément, Chères Jessica et Cécilia, Chères Solène, Margaux, Audrey, Chère Lola, Chère Cindy, Chères Marina et Céline, Chers Sandra et Jérémy, Chères Morgane, Amandine et Fanny,


Chers tous les autres,


Mes bien Formidables,


Bravo !


Vous avez su terminer l’histoire par une vraie fin et les trois que vous proposez sont très justes.


Une vraie fin, c’est une fin qui, malgré sa grande impatience d’arriver au terme du travail, n’oublie rien en route et ferme l’histoire en apportant des réponses à toutes les questions qui se sont posées au fil du récit.


Ainsi,


- vous n’avez pas oublié la rivalité initiale des deux oiseaux et vous l’avez fait évoluer,


- vous n’avez pas oublié la truite,


- vous n’avez pas oublié que le lecteur, à la fin d’une histoire, aimait continuer à rêver aux personnages, une fois la dernière page tournée et vous avez su lui donner, dans votre façon de terminer, matière à rêver.


C’est très très bien tout ça. Que vous l’ayez compris en si peu de temps me rend très heureux et, si vous tous, pensez à me remercier de vous avoir aidés, je veux aussi vous remercier, du fond du cœur, de me montrer à ce point tout ce que notre travail commun vous a appris.


Je suis bien incapable de choisir, parmi vos trois fins, celle que je préfère. Dans toutes, des détails me retiennent.


Dans la première, j’aime beaucoup la façon dont l’arbre renaît. Il y faut les larmes de Cui. C’est un peu comme si les écailles avaient été deux graines de vie. Pour qu’elles germent, il leur manquait, comme à toutes graines, de l’eau. En l’occurrence, de l’eau d’émotion, de l’eau de tendresse et d’amour. C’est une très belle idée.


Dans la deuxième vous avez séparé les deux oiseaux. C’est ça qui me plaît. Que certains d’entre vous aient voulu leur redonner leur indépendance et montrer que la vie est parfois faite d’expériences très riches et très fécondes... mais qui doivent s’achever, c’est aussi une belle idée. Certes, on n’est plus du tout le même à la fin qu’au début et je vous souhaite, dans vos vies, beaucoup de rencontres semblables à celles de Cui et Cru.


Les rédacteurs de la troisième fin, quant à eux, ont eu le courage de faire mourir l’arbre doré, l’initiateur de la grande aventure. Cette idée aussi est magnifique. La mort est inévitable. Même difficile, elle a besoin d’être regardée et acceptée pour être comprise. La mort, en effet, fait-elle tout disparaître ? Voyez nos deux oiseaux. Ne peut-on pas dire que l’arbre, d’une certaine façon, continue à vivre en eux ? Cet arbre leur a fait découvrir une force qui les habitait et qu’ils ignoraient posséder. Une fois cette force révélée, elle leur appartient, bien vigoureuse, tant qu’ils voudront s’en servir. L’arbre a accompli un beau travail en favorisant cette prise de conscience. Il peut s’en aller.


Mais, dès la première phrase de vos trois textes, j’avais senti que j’allais me régaler en vous lisant.


En effet, à la fin de mon texte, j’avais écrit que le vent qui portait les oiseaux était « favorable ». Je voulais ainsi vous suggérer de ne pas vous attarder à décrire le voyage de retour. De nouvelles péripéties étaient inutiles. Il fallait arriver vite à la dernière étape et prendre le temps de la traiter, sans aucune des pirouettes habituelles qui évitent les difficultés, du genre : on se réveille et on découvre qu’on a rêvé ; une baguette magique, youpi ! a tout résolu par miracle, etc. Cela, vous l’avez tous très bien compris et votre première phrase le dit.


C’est gentil de m’inviter à votre soirée de présentation du 16 juin, mais je ne pourrai pas être des vôtres. En tout cas physiquement, car je penserai à vous, c’est promis ! C’est comme ça. Ne soyez pas déçus et que cela ne vous empêche pas de bien expliquer à vos parents tout ce que vous avez su faire de beau. Prenez votre temps pour expliquer et soyez patients. Il y a des sujets devant lesquels les papas-mamans sont moins bien préparés que leurs enfants pour comprendre. L’internet, peut-être pas pour tous, fait certainement partie de ces sujets difficiles.


Grosses bises à tous

Jacques




Le 11 juin 98


Mes gentils,


J’ai vu la maîtresse lundi. Elle tenait un paquet à la main. Drôle de paquet. Artisanalement fait : papier épais, consistant, rien à voir avec ces banals papiers cadeaux qui sentent leur production industrielle ; ruban solide, fabriqué pour la circonstance, ficelé par des mains qui n’avaient pas encore élucidé tous les mystères de la fabrication des noeuds...


Mais quand la maîtresse m’a tendu l’objet en me disant : « Tiens, c’est pour toi ! », je n’ai eu qu’une envie : ouvrir. En effet, je savais que vous étiez dans ce paquet et j’avais hâte de vous revoir.


Donc, j’ai fait glisser la ficelle, j’ai déplié le papier et je vous ai vus, tous : Clément, Marina, Amandine, Florent, Cécilia, Jérémy C, Solène, Céline, Matthieu, Cindy, Jérémy L, Jessica, Nicolas, Lola, Maxime, Margaux, Morgane, Jérémy P, Julien, Sandra, Fanny, Audrey, Jérémy V... Vous étiez tous là, dans le bel objet que je tenais dans les mains.


Je l’ai ouvert doucement, un peu feuilleté et vite, je l’ai refermé, replié dans son papier, entouré par sa ficelle, j’ai embrassé Fabienne en lui disant de vous embrasser pour moi - à moins que...  je crois que j’ai commencé par embrasser Fabienne et que c’est seulement après que j’ai remballé le livre.  Pour être sûrs, demandez confirmation à la maîtresse !-


En effet, je ne voulais pas l’examiner devant tous les gens qui nous entouraient, avec des curieux qui seraient venus voler un regard par-dessus mon épaule en disant : « C’est quoi ce truc ! Ah ouais, chouette ! C’est pas mal ! ». Je ne voulais pas risquer d’entendre des remarques banales à propos d’un objet qui ne l’était pas ! Et puis, quand on m’offre quelque chose, j’ai envie de me régaler avec et pour me régaler, il faut que je sois tranquille, pas dérangé par les enquiquineurs, ou par les passants qui jettent leur coup d’œil sans s’attarder, en croyant tout comprendre.


Vous savez, moi, je pense qu’il faut s’émerveiller devant les choses merveilleuses, sinon, c’est comme si on les insultait.


Alors voilà ! Je voulais protéger ma joie, protéger votre beau cadeau d’amitié et j’ai attendu pour m’émerveiller, d’être tranquille, l’après-midi, dans mon bureau.


Et là, tout à loisir, j’ai feuilleté lentement, je me suis arrêté sur vos dessins et j’ai apprécié comme vous aviez bien marié différentes manières d’illustrer : vos découpages, vos coloriages, vos collages qui sont tous exécutés avec goût, sans parler de la poudre d’or sur le corps de la truite, dans le feuillage de l’arbre... Ouh là là qu’est-ce que je suis riche de tout cet or ! Pas riche d’argent, mais non ! Riche de votre plaisir que vous m’offrez. Dans cet or, il y a tout votre travail, vos recherches, vos efforts, votre envie d’inventer, de trouver des solutions, de construire de belles phrases, d’élaborer une belle histoire. C’est vrai, croyez-moi, cette poudre d’or, ce sont vos yeux qui pétillent et vos belles qualités qui vous aident à grandir.


Alors merci ! Mille mercis dorés !


Je penserai bien à vous mardi soir et j’espère que vos parents seront aussi heureux que vous. Et comme vous penserez aussi à moi, je suis certain qu’il y aura entre votre école et ma maison un arc-en-ciel de pollen doré, libéré par le feuillage de l’arbre de notre histoire qui continue à vivre.


Je vous embrasse très fort en commençant par Clément, puis Marina, puis Amandine, et Florent, Cécilia, Jérémy C, Solène, Céline, Matthieu, Cindy, sans oublier Jérémy L, ni Jessica, Nicolas, Lola, Maxime, Margaux, Morgane, et encore moins Jérémy P, Julien, Sandra, Fanny, Audrey, ni Jérémy V qui s’est caché sous la table de l’ordinateur.


Jacques


Cette année-là, les enfants et moi ne nous sommes jamais rencontrés.

La classe de Fabienne

La correspondance qui suit s’est échangée avec des enfants d’un cours moyen de l’école de Germigny-l’Évêque, en Seine-et-Marne, et leur institutrice, à l’issue d’une année de travail.

L’histoire à laquelle nous faisons allusion dans cet échange avait été écrite à trois : deux classes et moi, selon un principe d’écriture tournante, ou chacun écrivait à tour de rôle et passait à son voisin, selon une organisation rigoureuse.

Les échanges se faisaient par messageries. Le haut débit n’existait pas encore et les modems étaient assez extravagants.

Ce projet, organisé avec le CDDP et l’IUFM de Melun, s’était développé dans le cadre d’un échange de plusieurs classes de Seine-et-Marne, avec des écoles françaises de San Francisco et de Palo Alto. L’écriture de nos histoires nourrissaient les nombreux échanges qui préparaient la rencontre des correspondants Français et Américains, aux Etats-Unis.

Vous pouvez voir un compte-rendu plus large de ce travail sur le site de Fabienne.

Depuis que ce travail a été mis en ligne, j’ai pu constater que les textes que j’avais écrits pour servir de lanceurs, avaient été repris ici et là, dans des classes, qui à leur tour et sans mon intervention directe, s’étaient engagés dans la belle aventure d’un projet d’écriture avec leurs élèves. Cela m’a réjoui.

Courriel de l'institutrice après l’envoi de ma dernière contribution, qui devait permettre à la classe d’écrire la fin : Réactions des enfants, présentées par Fabienne, à la fin du travail : Mon opinion sur leurs trois fins que les enfants attendaient. Et puis, les enfants m’ayant offert un exemplaire de notre histoire, spécialement fabriqué, je les ai remerciés.