Copyright © 2010 Site officiel de Jacques Cassabois. Tous droits réservés

Site créé par Judith DELVINCOURT et administré par Martine POGNANT

 Contact  - Plan du site

Maj le 04/12/2023

Le roman de Gilgamesh

Editions Albin Michel, 1998

Extrait

La mort d’Enkidou

 

Extrait

Acheter le livre

Préface de Jean Bottéro

Le Gilgamesh historique et les tribulations

des versions de son épopée

Conversation avec une lectrice du Nouveau Monde

Lettre à un auteur

Rêverie sur Gilgamesh

Correspondance avec Valérie Rossignol

ui était Gilgamesh ? Car un homme, répondant à ce nom, a inspiré le personnage de l’Épopée. Un homme qui a vécu aux confins des temps historiques, lorsque les peuples de Mésopotamie inventaient la civilisation, mère de l’Occident, et que les légendes naissaient de tous leurs faits et gestes, s’élevaient de la poussière de leur marche, de la rumeur de leur essor.


Gilgamesh était roi, et son royaume, comme tous les royaumes d’alors, il y a près de cinq mille ans, n’était qu’un territoire où villages et bourgades se regroupaient autour de sa ville chef-lieu : Ourouk, au pays de Sumer.


Dans ce pays, qui s’étendait entre le Tigre et l’Euphrate, du sud de l’actuelle Bagdad jusqu’au golfe arabo-persique, vivaient deux peuples d’origine différente. L’un, les Sumériens, inventeurs de l’écriture, apparus subitement, 3500 ans avant notre ère, venus on ne sait d’où, peut-être de l’est, peut-être du sud-est et remontés par la rive iranienne du Golfe ; l’autre, sémite, les Akkadiens, anciens nomades du désert syro-arabe, attirés par la richesse du « Pays entre les fleuves » et peu à peu sédentarisés sur cette terre.


Ces deux peuples façonnèrent ensemble la civilisation sumérienne et, si l’empreinte des premiers, grâce à la langue, fut longtemps prépondérante, ce sont les Akkadiens, vers - 2300, sous le règne de Sargon d’Agadé, qui unifièrent le pays de Sumer, rassemblant autour de lui, pour un siècle, un vaste empire qui s’étendait du nord de la Syrie au golfe arabo-persique et de l’Iran à la Méditerranée.


Jusqu’alors, pas d’unité. Sumer, notamment au cours des sept premiers siècles du IIIè millénaire, vécut sous un régime de principautés où des cités-états ( Our, Ourouk, Lagash, Shourouppak, Kish, Sippar... ) s’alliaient ou se combattaient, selon leurs besoins, leurs intérêts, l’ambition de leurs chefs et dont l’une, faisait temporairement figure de suzeraine.


Gilgamesh vécut au cours de cette époque qui se cherchait, vers 2650 avant notre ère. Un document fameux l’atteste : la « Liste sumérienne des rois », catalogue établi au début du IIè millénaire, qui dresse l’inventaire de tous les rois de Sumer, cité par cité, dynastie par dynastie.


Selon ce catalogue, réputé fiable par les assyriologues, sa chronologie ayant été recoupée et confirmée maintes fois, Gilgamesh est le cinquième roi de la première dynastie d’Ourouk.


De sa vie, on sait seulement qu’il protégea sa ville d’un rempart de briques, dont les vestiges ont été mis à jour en 1932 par des archéologues allemands. Édifice de neuf kilomètres de périmètre, monumental, à l’image que son constructeur a laissé de lui, mais unique témoin concret de son règne. Tout le reste, en effet, appartient à la légende. Une légende qui s’empara de lui aussitôt après sa mort. Son nom fut happé, habité, trituré par ses descendants qui lui inventèrent tout un folklore d’exploits héroïques, peut-être reliés, mais sans qu’il soit possible de l’affirmer, à des faits réels.


Ces exploits se développèrent en récits qui durent longtemps se colporter oralement, puisque les premières tablettes racontant les prouesses de Gilgamesh ont été écrites dans la période - 2300 / - 2000, c’est-à-dire de trois à six siècles postérieures à sa vie. Cette époque correspondait au règne de Sargon, puis à la IIIè dynastie d’Our qui, après l’éclatement de l’empire, rassembla en royaume les anciennes cités-états sumériennes, dans une sorte de nouvel âge d’or. Gilgamesh alors, apparaissait comme l’aîné glorieux, le grand frère à l’image fédératrice, auquel les petits rois de principautés aimaient se référer.


Ces récits, à ce jour, sont  au nombre de cinq. Écrits en sumérien, d’une narration peu développée ( trois cents vers pour les plus importants ), ils relatent quelques hauts faits de Gilgamesh, parfois seul, parfois accompagné de son serviteur Enkidou. Ici, s’opposant au roi de Kish, principauté voisine, au sujet du creusement d’un puits ; là, s’enfonçant vers les montagnes de l’Est, en compagnie d’Enkidou, à la conquête d’une forêt de résineux, défendue par un être aux pouvoirs surnaturels : Houwawa ; ou encore, s’attaquant à un fabuleux Taureau céleste qui dévaste sa ville - métaphore possible d’une catastrophe naturelle ; une autre légende racontant  sa mort et la fonction de « Grand juge des Trépassés » que les dieux lui avaient octroyée au « Pays sans retour » ; une dernière enfin, évoquant la descente d’Enkidou aux Enfers, parti récupérer les insignes royaux de son maître - un cerceau et une baguette -, que les plaintes de son peuple, lassé de sa tyrannie, y avaient fait choir.


Mais, nous n’en étions là qu’aux premiers brouillons d’une œuvre qui se chercha longtemps en d’innombrables balbutiements, avant d’offrir l’Épopée majestueuse que nous connaissons, première grande construction littéraire de l’humanité.


En effet, de simple champion dans les légendes sumériennes, le personnage de Gilgamesh se fera peu à peu porte-parole d’une civilisation, avant d’apparaître, poussé par le besoin des hommes de s’identifier, en projetant sur le monde la silhouette de leur modèle, pour mesurer leurs limites, évaluer leur propre ampleur, symbole universel de l’être humain, aux prises avec l’inéluctable de la vie.


Il faut attendre plusieurs siècles encore et la période - 1750 / - 1600, pour voir la légende de Gilgamesh franchir une nouvelle étape vers sa maturité, grâce à un auteur, à jamais inconnu, qui composa une œuvre de haute volée, dont la structure et le souffle n’avait plus rien de commun avec les historiettes sumériennes.


Cette version, considérée comme la première mouture de l’Épopée, est incomplète. Une dizaine de fragments seulement, ont été retrouvés. Écrits non plus en sumérien, mais en akkadien, ils laissent supposer un ensemble de deux mille vers qui devaient être répartis sur sept ou huit tablettes. Deux d’entre elles ont été découvertes entières et racontent des épisodes mitoyens : le songe informant Gilgamesh de l’arrivée prochaine d’Enkidou à Ourouk, sa vie dans la steppe, son initiation par la prostituée, sa première rencontre avec Gilgamesh et la bagarre, pour la première ; l’amitié des deux hommes, le projet d’expédition à la Montagne des Cèdres et les préparatifs de départ, pour la seconde.


Ces épisodes, qui figureront dans la version définitive, comme s’ils s’étaient installés d’emblée dans l’Épopée sur des positions inexpugnables, établissent avec force l’autorité et la puissance créatrice du poète qui donna cette impulsion et confirment l’évolution radicale accomplie grâce à lui.


Cette version est dite « version ancienne » ou « version babylonienne ».


Babylone, en effet, à cette époque, avait acquis sur la Mésopotamie, un rayonnement qu’elle ne devait plus perdre, en dépit des fluctuations politiques et des recompositions territoriales encore à venir.


Après le démembrement de l’empire de Sargon et l’éphémère retour de l’ancien régime des cités-états, un grand roi, Hammourabi, sémite de souche amorrite, avait balayé, au cours de son règne (-1792 / - 1750), l’organisation des anciens pays de Sumer et Akkad, en rassemblant autour de sa capitale un royaume solide et durable.


Cette ère de stabilité, inaugurée par Hammourabi, ainsi que les transformations politiques et sociales qui en découlèrent, engendrèrent un nouvel essor économique, culturel, une accélération des échanges, une stimulation de l’esprit.


Rien d’étonnant donc, que dans cette époque d’effervescence, un poète récupère, comme un matériau de ré-emploi, les bribes des vieilles légendes sumériennes de Gilgamesh, pour les unifier dans un seul chant, largement respiré, sorte de métaphore littéraire de l’unité politique du pays en pleine expansion.


C’est d’ailleurs à cette même époque bouillonnante que fut écrit un autre chef-d’œuvre de cette civilisation : « le poème d’Atrahasîs » ou du « Supersage » , qui raconte , en une somme de douze cents vers, l’organisation du monde avant la naissance de l’homme, puis la création de l’humanité par les dieux, dont certains étaient excédés de travailler à l’entretien du pays, la prolifération des humains sur la terre, agaçante pour leurs créateurs qui décident de s’en débarrasser en les noyant sous un Déluge.


Une fois créée, l’Épopée a été chantée, recopiée, diffusée, tout au long des siècles suivants, pendant la seconde moitié du IIè millénaire, en Mésopotamie comme à l’étranger. De nouveaux fragments, postérieurs à la version ancienne, ont ainsi été retrouvés à Emar en Syrie, à Meggido en Palestine, à Boghazköy en Turquie, ancienne Hattousha, capitale des Hittites qui, non seulement connaissaient la version akkadienne, mais en avait également établi une traduction dans leur langue.


Un tel succès de l’Épopée, égalé par aucune des autres œuvres littéraires akkadiennes, une diffusion si vaste à travers le proche-Orient ancien, impliquent forcément, davantage qu’avec les légendes sumériennes à diffusion plus restreinte, une appropriation par les scribes qui, en la recopiant, saisis par leur lecture, transformaient le récit, empruntant à d’autres variantes écrites, puisant dans la tradition orale qui continuait de courir, ou, emportés par le feu épique des aventures, composaient des épisodes de leur propre cru.


C’est ainsi que, témoignage indubitable d’une profonde identification des lecteurs-auditeurs de l’époque avec le sens de la quête de Gilgamesh, l’Épopée n’en finit pas de se répandre, continuant d’attirer, de fasciner et comme appelant sur elle une nouvelle ambition, la poigne d’un nouveau génie qui la pétrisse encore et reprenne, avec vigueur, ce thème du grand roi, portant à incandescence toutes les qualités humaines dont les dieux l’avaient doté,  le plus humains de tous les humains, et pourtant terrorisé par la perspective de sa mort.


Cette nouvelle et dernière métamorphose de l’œuvre dut s’accomplir à la charnière du IIè et du Ier millénaires. A preuve, la quantité importante de tablettes, datées de cette époque, retrouvées dans une infinité de sites de Mésopotamie : Ourouk, Babylone, Assour, Nimroud et surtout Ninive où la bibliothèque d’Assourbanipal en fournit cent cinquante, à elle seule. D’où le nom donné à cette « version classique » dite encore « version ninivite ». Somme présumée de deux mille cinq cents à trois mille vers, divisée en onze tablettes, certaines intactes, d’autres détériorées, qui offre un ensemble interrompu par de nombreuses lacunes.


Caractéristique étonnante, relevée par les assyriologues, tous ces fragments, datés du début du Ier millénaire pour les plus anciens, de -250 pour les plus récents, présentent rigoureusement le même texte.


L’Épopée, dirait-on, après s’être longtemps cherchée, après avoir mené sa propre quête d’elle-même à travers les millénaires, avait, dans cette livraison, atteint sa maturité et cette maturité reconnue, fut validée par ses copistes qui, dès lors, excepté d’infimes différences de graphie ou de distribution de vers, n’en avaient plus ni modifié le développement, ni remanié la structure.


De son auteur, on ne sait guère. Pas davantage qu’on en sait du grand roi, son modèle. Il était exorciste et s’appelait Sinleqe’unnenni, ce qui, en akkadien, signifie : O-dieu-Sîn-reçois-ma-prière. C’est tout. Le reste de sa vie a été oublié, réduit en poussière par le vent du désert qui a effacé la presque totalité des villes, des palais, des remparts et la magnificence de la vieille Mésopotamie.


JC

Page 1 sur 2

L’Heure des Rêveurs

L’avis de Claude Duneton

« Ce soir, amis rêveurs, on continue notre plongée dans la nuit des temps avec  Gilgamesh, le grand homme qui ne voulait pas mourir. L’épopée de Gilgamesh est  la plus vieille épopée de l’humanité, elle a été écrite en Mésopotamie il y a plus de 35 siècles. C’est l’histoire d’un roi, Gilgamesh, qui à la mort de son ami, face à la douleur de sa perte, décide de parcourir le monde à la recherche de l’éternité.

Jacques Cassabois ne connaissait rien à la Mésopotamie quand il a lu l’épopée pour la première fois, mais il est devenu fou de Gilgamesh, et depuis 20 ans maintenant le grand roi Gilgamesh  l’accompagne, Jacques Cassabois n’a jamais pu se défaire de lui, tant et si bien, qu’il a décidé de réécrire l’épopée. Alors il s’est plongé dans l’histoire de la Mésopotamie, il a pioché, il a lu, beaucoup lu,  il s’est perdu devant l’ampleur de cette civilisation grandiose qui  a rayonné pendant 3000 ans, il a failli renoncer, et puis un jour il a trouvé le ton, il a écrit le roman de Gilgamesh et une version plus courte pour les enfants.

Aujourd’hui encore, quand Jacques Cassabois parle de Gilgamesh, il se fait prendre, il tremble, il s’emporte, c’est sa lecture que je vous propose d’entendre ce soir, une lecture fougueuse et amoureuse. » 



Zoé Varier



Pour écouter l’émission… Lettre_Claude.jpg Page suivante

Correspondance avec Jean Bottéro