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Maj le 13/10/2022

Madame Gallois était indignée de ce que j'avais osé me défendre, et sa sollicitude se porta naturellement sur les excellents petits sujets qui voulaient me tuer un quart d'heure auparavant. On en envoya trois ou quatre à l'infirmerie et tout rentra dans l'ordre accoutumé. Mais mon patron ne me pardonna point la victoire que j'avais remportée, quoiqu'elle eût rétabli l'ordre dans la maison et assuré mon pavillon pour longtemps. Madame Gallois me suscitait chaque jour des difficultés nouvelles, rognait ma part de nourriture déjà fort modique, versait énormément d'eau dans ma bière et me faisait refuser par les domestiques une foule de services indispensables. Il était évident que ma ruine était décidée et qu'à la première occasion, je recevrais mon congé. Je résolus de le donner, et après m'être assuré d'une place à Paris même, je cessai mes fonctions à la maison Gallois."


Portrait de M. et Mme Galois,  complété d'un aperçu de la vie à la pension Galois, par Adolphe Blanqui

''Après quelques jours de recherches, j'obtins pour un maître de pension établi à Bourg-la-Reine, près de Paris, une lettre de recommandation très pressante.

- Vous êtes bien jeune, monsieur, me dit-il, pour conduire des jeunes gens tels que ceux que j'ai ici, presque

tous aussi âgés que vous ; mais enfin vous me semblez doué de bonne volonté, je vais vous mettre à l'épreuve. Ma maison se compose de soixante élèves environ, mon intention est de n'entretenir qu'un seul maître qui fasse tout, qui leur enseigne le français, le latin, les mathématiques et l'histoire, qui veille sur eux, qui mange au réfectoire avec eux, qui couche au dortoir parmi eux, qui les conduise en promenade, en un mot, qui ne les quitte jamais. Je donne trois cents francs par an, la table, le logement et le blanchissage. Si la proposition vous convient, tout est dit. Vous pouvez venir dans trois jours.

- Ainsi monsieur, lui dis-je, je n'aurai jamais un seul instant de libre ?

- Jamais, vous le voyez, à moins que je ne garde moi-même vos élèves.

Je m'inclinai profondément et j'acceptai du fond du cœur avec joie. M. Gallois2  était tout à la fois maire et maître de pension à Bourg-la-Reine. Sa physionomie un peu froide et sévère ne me déplut pas, parce qu'elle était empreinte d'un certain caractère de bonté ; mais sa femme m'inspira une peur extrême par son air dur, sa haute taille maigre et sèche, et la rudesse de sa parole :

- Vous savez, monsieur, me dit-elle, que la saison n'est pas aux ortolans. Depuis la disette (celle de 1816) nous faisons notre pain nous-mêmes et nous y ajoutons beaucoup de fécule. Nous buvons aussi de la bière, à cause de la cherté du vin. Si vous avez d'autres habitudes, il faut y renoncer. "


[...]

''Je me hâtai d'annoncer cette bonne nouvelle à mon père, et le troisième jour, je fus installé dans ma chaire. M. Gallois me présenta un à un tous ces petits garçons, me remit la liste de leurs noms avec ses observations à l'appui, et, après m'avoir exposé son programme, il se borna à me dire :

- Faites pour le mieux, je vous jugerai bientôt par vos œuvres.

Œuvre difficile, en effet. Il ne s'agissait rien de moins que de passer des journées entières avec cette troupe de jeunes écervelés, qui avaient été fort mal conduits jusque là. (...) Cependant ils ne tardèrent point à voir au zèle que je mettais à faire mes leçons, que je savais mon métier et qu'il était difficile de me surprendre en flagrant délit. [...] Peu à peu toutes les mauvaises traditions disparurent.


[...]

M. Gallois me félicitait avec effusion de ces résultats."

 

Blanqui, averti par un élève à qui il donnait des cours particuliers, qu'une embuscade s'organisait contre lui à l'étude, avec jets de dictionnaires et encriers de plomb, organise sa contre-attaque et, quand les hostilités se déclenchent, fait face et rosse sa troupe d'assaillants à coups de bâtons.


" M. Gallois accourut au bruit du tumulte pour recueillir les blessés. Deux ou trois l'étaient assez grièvement. [...] On ralluma les lampes éteintes, on fit l'appel des combattants, et grande fut leur surprise lorsqu'ils virent qu'un seul homme avait suffi pour les mettre en fuite et les faire sauter tous par les fenêtres.

Adolphe Blanqui, frère aîné d'Auguste, fut quelque temps maître d'études à la pension Galois de Bourg-la-Reine.

La famille Blanqui, dont le père, ancien député à la Convention, qui était devenu sous-préfet d'Empire à Puget-Théniers, avait été chassé de ses fonctions avec perte et fracas, par le retour des Bourbons. Sa famille n'ayant plus de ressources, Adolphe dut chercher du travail...

Souvenirs d’un étudiant sous la Restauration, in La Revue de Paris p. 776-796, tome V, septembre-octobre 1918

Variante du patronyme d’Évariste, qui s’orthographiait parfois Legallois.

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